Nous,
Participants au 7e Congrès mondial contre la peine de mort, organisé à Bruxelles, du 26 février au 1er mars 2019, par l’association Ensemble contre la peine de mort (ECPM) sous le parrainage de la Belgique, de l’Union européenne, du Parlement européen, de la Confédération suisse et de la Norvège, et en partenariat avec la Coalition mondiale contre la peine de mort :

ADOPTONS

la présente déclaration au terme de quatre jours d’intenses débats, d’échanges d’expériences, de témoignages, d’événements culturels ;

NOUS RÉJOUISSONS :

• que le mouvement abolitionniste se développe, dans un monde où plus des deux tiers des pays ont renoncé, en droit ou en fait, à l’application de la peine capitale et où 121 États, le plus grand nombre jamais atteint, ont voté en faveur de la résolution moratoire de l’AGNU ;
• que depuis le Congrès d’Oslo en 2016, trois pays ont aboli la peine de mort : le Burkina Faso, le Guatemala pour les crimes de droit commun et la Guinée pour tous les crimes, et que la Cour suprême de l’État de Washington aux États-Unis a déclaré la peine de mort inconstitutionnelle ;
• de l’inscription pour la première fois dans le Catéchisme de l’Église catholique d’une opposition catégorique à cette peine « inadmissible » ;
• des engagements pris lors de la cérémonie d’ouverture du 7e Congrès par la Gambie d’abolir la peine de mort dans sa Constitution, par la République du Congo et la Guinée de ratifier le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP et de soutenir le projet de Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples pour l’abolition, par le Burkina Faso d’étendre l’abolition de la peine capitale pour les crimes de droit commun à tous les crimes et par le Maroc de réformer le Code pénal pour réduire le nombre de crimes passibles de la peine de mort.

MAIS REGRETTONS :

• que le maintien de la peine de mort serve de prétexte à certains gouvernements, comme celui de l’Égypte qui a exécuté neuf personnes le 20 février, pour lutter contre le terrorisme et museler les voix dissidentes ;
• que 56 pays et territoires soient rétentionnistes, comme l’Arabie saoudite, la Chine, l’Irak, l’Iran, le Pakistan et les États-Unis, et qu’ils appliquent la peine de mort de manière arbitraire dans bien des cas ;
• que la peine de mort frappe encore des mineurs, notamment en Iran, et des personnes avec un handicap intellectuel et/ou psychosocial, comme au Japon et à Taïwan ;
• qu’elle soit appliquée d’une manière qui affecte de façon disproportionnée les personnes issues de minorités ethniques ou religieuses ou provenant de milieux socio-économiques défavorisés, ou en raison de leur orientation sexuelle ou sur la base de discrimination fondée sur le genre et les stéréotypes sexistes envers les femmes ;
• que les conditions de détention des personnes condamnées à mort violent la dignité humaine et constituent un traitement cruel, inhumain et dégradant.

SOULIGNONS LA NECESSITE DE FRANCHIR DE NOUVELLES ÉTAPES SIGNIFICATIVES VERS L’ABOLITION TOTALE ET UNIVERSELLE DE LA PEINE DE MORT

APPELONS :

• les acteurs du secteur privé à rejoindre massivement le mouvement en faveur de l’abolition de la peine de mort ;
• les États africains à faire de l’Afrique un continent abolitionniste ;
• les États rétentionnistes à engager des réformes concrètes pour réduire le champ d’application de la peine de mort en vue de l’abolition définitive ;
• les États abolitionnistes à soutenir par principe leurs citoyens risquant la peine de mort partout dans le monde, quel que soit le crime dont ils sont accusés.

ENCOURAGEONS :

Les organisations intergouvernementales internationales et régionales :
• à poursuivre et intensifier leur coopération avec les États et la société civile pour promouvoir l’abolition universelle de la peine de mort ;
• à poursuivre et systématiser leur position abolitionniste en interne et à travers tous leurs organes, notamment lors des échanges entre l’ONUDC et toutes les parties prenantes ;
• à poursuivre et systématiser la question de la peine de mort dans le travail des rapporteurs spéciaux des Nations unies, notamment sur le terrorisme, les exécutions, la torture, les migrants et l’extrême pauvreté.

Les États rétentionnistes à s’engager :
• à supprimer la peine de mort obligatoire et à promouvoir des solutions alternatives respectueuses de la capacité de chacun à s’amender ;
• à mette en œuvre la Convention des droits de l’enfant, à l’occasion de son 30e anniversaire en 019, en abolissant la peine de mort pour les personnes mineures, âgées de moins de 18 ans au moment de la commission des faits qui leur sont reprochés, et en garantissant que le doute sur leur âge et date de naissance profite systématiquement aux accusés ;
• à recueillir et publier des informations régulières, fiables scientifiquement et produites de manière indépendante sur l’application de la peine de mort et sur l’état de l’opinion publique à cet égard ;
• à prendre le chemin de l’abolition de la peine capitale en instaurant un moratoire sur les condamnations et les exécutions, conformément à la résolution pour un moratoire sur l’application de la peine de mort votée par l’Assemblée générale des Nations unies depuis 2007 et à rejoindre les 86 États qui ont déjà ratifié le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
• à garantir un système performant d’assistance juridique efficace pour toutes les personnes encourant la peine de mort, ainsi qu’un système efficace et fiable d’enquête.

Les pays abolitionnistes :
• à condamner avec véhémence le recours à la peine de mort et à soulever systématiquement cette question dans le cadre de leurs relations diplomatiques et économiques avec les pays rétentionnistes ;
• à subordonner l’aide financière accordée à la « guerre contre la drogue » à des garanties suffisantes que ces fonds ne soient pas utilisés de quelque manière que ce soit pour recourir à la peine de mort ;
• à s’opposer activement à l’application de la peine de mort dans la lutte contre le terrorisme afin de promouvoir et de respecter les droits de l’homme ;
• à soutenir les acteurs de la société civile œuvrant en faveur de l’abolition de la peine de mort ;
• à ratifier le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
• à co-parrainer et voter en faveur de la résolution de l’AGNU appelant à un moratoire universel sur les exécutions en 2020 ;
• à s’engager à ne pas réintroduire la peine de mort et à ne pas reprendre les exécutions.

Les parlementaires et les institutions nationales des droits de l’homme (INDH) :
• du monde entier, à se regrouper en réseaux régionaux, nationaux et internationaux et porter le débat de l’abolition au cœur de leurs institutions ;
• des États abolitionnistes, à soutenir leurs pairs des pays rétentionnistes, notamment pour présenter des projets d’abolition ;
• à intégrer systématiquement les questions relatives à la peine de mort dans leurs plans d’action ;
• à inciter leurs États à abolir la peine de mort.

Les professions judiciaires :
• pour les avocats, à se former et coopérer de façon à défendre au mieux leurs clients passibles de la peine de mort ;
• pour les procureurs, à ne pas requérir la peine de mort au nom de la
justice ;
• pour les juges, à utiliser leur pouvoir d’individualisation de la peine pour ne pas prononcer la peine capitale et pour encourager les jurés non professionnels à faire de même ;
• pour les barreaux d’avocats, à rejoindre l’appel du barreau de Paris et de l’Union internationale des avocats en signant la Résolution sur la peine de mort et les conditions de détention et de traitement des condamnés à mort.

Les acteurs de la vie économique et culturelle :
• à reconnaître que la peine capitale est un châtiment archaïque et dégradant qui nuit à un développement harmonieux de l’économie, du tourisme et des échanges culturels ;
• à exprimer leur préférence en termes d’investissement pour les pays qui n’appliquent pas la peine de mort ;
• à intégrer dans leurs politiques existantes en matière de responsabilité sociale des entreprises, le plaidoyer en faveur de l’abolition.

Les universitaires :
• à réaliser davantage de travaux de recherche sur la peine de mort, y compris pour rendre plus visibles les femmes condamnées à mort et pour démystifier les arguments utilisés pour maintenir la peine de mort, notamment l’opinion publique, la dissuasion et le terrorisme ;
• à adhérer au Réseau international des universités contre la peine de mort et au REPECAP ;
• à s’associer avec la société civile et à créer conjointement des cliniques juridiques.

Les acteurs abolitionnistes de la société civile :
• à engager des actions de sensibilisation et d’éducation à l’abolition auprès du public, des décideurs politiques, des lycéens et étudiants, en rejoignant le réseau international d’éducation ;
• à participer chaque année à la Journée mondiale contre la peine de mort, le 10 octobre, et à la journée des « Villes pour la vie », le 30 novembre ;
• à unir leurs forces avec d’autres mouvements, tels que le mouvement pour les droits des femmes et celui pour les droits des enfants ;
• à agir ensemble, notamment en rejoignant la Coalition mondiale contre la peine de mort, pour renforcer les synergies abolitionnistes.

Adopté par acclamation à Bruxelles,
le 1er mars 2019