APPEL DES INDH EN FAVEUR DU RENFORCEMENT ET DE L’ÉLARGISSEMENT DU COMBAT CONTRE LA PEINE DE MORT

Le Congrès mondial est un temps fort de mobilisation pour le combat du mouvement abolitionniste mondial contre la peine de mort. Ce 7e congrès, par son rayonnement, les débats qu’il a permis, notamment en organisant des temps d’expression et d’échange avec des interventions de représentants de haut niveau d’États abolitionnistes de droit ou de fait, d’organisations intergouvernementales et d’organisations non gouvernementales, constitue une étape importante dans le processus menant vers une abolition universelle de la peine capitale.
Considérant que l’abolition est une tendance globale puisque 144 pays et territoires ont déjà aboli la peine de mort nous vivons incontestablement une période historique décisive dans le long combat abolitionniste. Constatant néanmoins que la situation est contrastée, puisqu’il reste plus de 20 000 condamnés dans le couloir de la mort dans le monde, et des pays qui appliquent ou songent à réintroduire la peine de mort dans leur arsenal juridique.
Nous,
Président(e)s et représentant(e)s des institutions nationales des droits de l’homme (INDH), de onze pays, venant du Cameroun, Côte d’Ivoire, Indonésie, Libéria, Mali, Maroc, Niger, Philippines, Tunisie, République centrafricaine, République démocratique du Congo, ayant participé activement aux travaux du 7e Congrès mondial qui s’est tenu à Bruxelles du 26 février au 1er mars 2019, adoptons une déclaration commune, à l’issue de riches et intenses échanges et de partages d’expériences, au sujet des enjeux actuels liés au combat abolitionniste à l’échelle internationale et régionale.
Les institutions nationales des droits de l’homme (INDH) ont pour mandat de protéger et de promouvoir les droits de l’homme. La question de l’abolition de la peine capitale et les sujets connexes, tels que le droit à un procès équitable ou encore les conditions de détention, relèvent de ce mandat.
Partant de ce constat et dans la droite ligne de déclarations antérieurs similaires (Oslo 2016, Rabat 2017), nous souhaitons plaider en faveur d’une intensification de l’action abolitionniste, en s’appuyant sur tous les leviers, notamment en inaugurant une nouvelle étape en faveur d’une meilleure implication des INDH et d’une plus forte articulation de leur action avec les autorités gouvernementales, les parlements et les organisations non gouvernementales de la société civile.
Dans cette perspective, il convient de travailler à la mise en œuvre de deux conditions préalables : d’une part, que les INDH, conformément aux Principes de Paris, puissent bénéficier des attributions et des moyens leur garantissant l’autonomie et la légitimité pour porter l’abolition de la peine de mort auprès des gouvernements et des parlements et, d’autre part, que les INDH incluent l’abolition de la peine de mort parmi leurs axes d’intervention prioritaires.

Cette nouvelle étape s’articule autour des préconisations suivantes :
• Veiller à ce que l’abolition de la peine de mort soit à l’ordre du jour des réunions de travail des Institutions nationales des droits de l’homme, que ce soit dans le cadre de la GANHRI ou dans le cadre des réseaux régionaux.
• Établir au sein des réseaux d’INDH, notamment à l’échelle régionale, un groupe de travail sur la peine de mort qui permettra aux INDH de mutualiser leurs compétences et d’agir de manière coordonnée en faveur de l’abolition.

Les INDH, conformément à leurs prérogatives doivent :
• Agir plus efficacement, en vue de porter auprès des gouvernements et des parlements, des préconisations visant à des réformes constitutionnelles ou législatives allant dans le sens d’une abolition, ou afin d’officialiser un moratoire sur les exécutions ou pour réduire le nombre de crimes passibles de la peine de mort.
• Assurer auprès des gouvernements une action de veille et de plaidoyer visant à l’harmonisation des lois, des règlements et des pratiques en vigueur sur le plan national avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.
• Encourager la ratification de ces instruments ou l’adhésion à ces textes et s’assurer de leur mise en œuvre, notamment la ratification du Deuxième Protocole se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort (OP2) et œuvrer à l’adoption de la résolution sur l’instauration d’un moratoire sur les exécutions.
• Porter des recommandations sur la question de la peine de mort à l’occasion de l’Examen périodique universel (EPU) par les États concernés.
• Documenter et collecter des données sur la situation des condamnés à mort à partir de leurs missions de visite des prisons et d’évaluation de la situation des condamnés à mort.
• Impliquer les acteurs de la société civile et du mouvement abolitionniste, en favorisant la constitution d’un réseau multi-acteurs (société civile, parlementaires, juristes, médias, jeunesse, leaders religieux et communautaires) pour avancer sur le chemin de l’abolition, conformément à une préconisation en la matière du Forum mondial des droits de l’homme (FMDH) organisé en novembre 2014 à Marrakech.
• Encourager les initiatives et débats parlementaires relatifs à l’abolition de la peine de mort, en soutenant notamment la création de réseaux abolitionnistes au sein des parlements.
• Promouvoir la sensibilisation de l’opinion publique et la réflexion sur les peines alternatives à la peine de mort et contribuer à l’éducation sur l’abolition.