La Chine continue de pratiquer plus d’exécutions que tout autre pays, même si l’on ignore le nombre exact d’exécutions, l’identité des condamnés à mort et les crimes dont ils étaient accusés, informations considérées comme secret d’État.

En marge du Congrès, l’association The Rights Practice a organisé une conférence intitulée « Engaging China on the death penalty : challenges and opportunities » (« Débattre de la peine de mort avec la Chine : défis et opportunités »), autour de la manière de remettre en question la peine de mort dans le contexte très autoritaire chinois. Les débats étaient présidés par Nicola Macbean, directrice de The Rights Practice.
Trois intervenants (un avocat, un spécialiste du domaine juridique et une membre d’une ONG) ont fait part de leur expérience et de leur analyse. Parce que la peine de mort est très politisée en Chine, l’abolition leur a semblé très peu probable à court terme. Néanmoins, ils ont estimé possible de réduire le nombre d’exécutions. C’est d’ailleurs sur cet objectif qu’ils concentrent leurs recherches, leurs formations, leur travail de terrain et leur plaidoyer politique.
Le spécialiste des questions juridiques a indiqué qu’il existe aujourd’hui des recherches de qualité sur la peine de mort en chinois, mais les avocats et les autres acteurs du système juridique n’en ont pas connaissance ou ne les considèrent pas utiles. Si plusieurs chercheurs se sont penchés sur la notion des « crimes les plus graves » dans la loi chinoise, d’autres sujets pourtant importants ont été peu étudiés, comme notamment l’utilisation du sihuan, pratique chinoise qui consiste à suspendre pendant deux ans les condamnations à mort.
Les chercheurs chinois connaissent peu les normes internationales en matière de peine capitale. Résultat : bien souvent, leurs travaux ne tiennent pas compte du droit international. Par ailleurs, peu de recherches empiriques sont menées en Chine. Ce phénomène s’explique pour une partie par le fait que les données pertinentes ne sont pas disponibles car classées comme secrets d’État, et d’autre part par le manque de formation des chercheurs aux méthodes de recherche empirique. Ainsi, les avocats se plaignent souvent que les études disponibles sont trop théoriques et n’ont aucune valeur pratique.
À noter cependant que des formations sont en cours. Plusieurs ateliers ont été organisés pour enseigner les nouvelles approches aux jeunes chercheurs, tout en leur transmettant les débats internationaux sur la peine de mort. Malheureusement, la restriction des financements étrangers rend difficile l’organisation de ces ateliers en Chine. Quant aux fonds nationaux, ils sont insuffisants, voire inexistants. Un ouvrage est en cours d’écriture concernant le rôle de la recherche dans le plaidoyer politique, l’objectif étant d’encourager davantage de recherche empirique sur la peine de mort en Chine.
L’avocat a souligné les difficultés auxquelles sa profession est confrontée en Chine, particulièrement lorsque la peine de mort est en jeu. Une difficulté importante est liée au fait que les affaires pénales relèvent de trois institutions judiciaires nationales (la police, le procureur et les tribunaux) et que, dans la pratique, les avocats des accusés sont traités comme des adversaires. Sous pression de la part du public et des autres institutions pour obtenir une condamnation, la police rechigne à partager ses éléments avec les avocats des accusés. Alors que les pièces à conviction sont souvent bancales, les avocats de la défense sont peu en mesure de mener leur propre enquête. De leur côté, les juges ont tendance à rejeter les arguments de la défense, sans pour autant motiver leur décision. Alors qu’au civil, les avocats ont la possibilité de chercher et présenter des preuves, ils hésitent à le faire au pénal. En raison de la pression publique que subissent les autorités, les avocats qui défendent des accusés passibles de la peine de mort se retrouvent parfois eux-mêmes en danger.
Comme indiqué précédemment, les avocats chinois ne comprennent que très peu le droit international ou n’en tiennent pas compte, en partie parce que les juges n’intègrent pas les normes internationales. Lorsque des avocats citent le droit international, les juges rejettent généralement cet argument. Pire encore, le fait de citer les lois internationales peut nuire à la défense.
Il existe malgré tout des éléments positifs : les principes juridiques internationaux commencent à acquérir une certaine influence, à mesure que les avocats prennent conscience de leur pertinence. Par ailleurs, des réformes juridiques ont été adoptées ces dernières années. Par exemple, la réglementation concernant les pièces à conviction dans les affaires passibles de la peine de mort a été remaniée en 2010 et une loi concernant l’aide juridique est en cours de rédaction. (Les chercheurs pourront commenter cette loi fin 2019.) Depuis 2007, toutes les condamnations qui devaient être exécutées immédiatement ont été réexaminées par la Cour populaire suprême, décision qui semble avoir fait baisser le nombre d’exécutions.
La représentante d’une ONG chinoise a décrit le rôle de la société civile, des médias et de l’opinion publique. Elle a expliqué que, pour les ONG, la peine de mort n’est pas un sujet sensible en soi. En effet, les autorités ne se préoccupent pas tellement des questions étudiées par les ONG, mais plutôt de leur manière de mener leurs activités et de qui y participe. Par exemple, les autorités interrompent souvent les formations, de peur qu’elles n’abordent les droits de l’homme. Dans un environnement aussi restrictif, les ONG font preuve d’inventivité et parviennent malgré tout à sensibiliser le public, à débattre à l’échelle locale et à publier des informations concernant certaines affaires dans les médias locaux.
La question de la peine de mort dans le Xinjiang a été soulevée, au vu des arrestations très nombreuses dans la région et des décès signalés pendant la détention. Malheureusement, en l’absence d’informations fiables, nous ignorons si le nombre d’exécutions a augmenté. The Rights Practice a eu connaissance d’informations selon lesquelles l’ancien président de l’université du Xinjiang aurait été condamné à une peine de mort et suspendu pendant deux ans, en 2017.