Organisée dans le palais des Beaux-Arts Bozar, la cérémonie de clôture a tout d’abord donné la parole au directeur artistique de l’établissement, Paul Dujardin. Déclarant que l’abolition est un combat de première importance pour l’humanité, car la peine capitale est le symbole de la cruauté humaine, il a espéré que l’Afrique sera bientôt le deuxième continent à mettre fin à ce châtiment.
Didier Reynders, Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères et européennes en Belgique, a salué la profondeur et la portée du Congrès, durant lequel se sont déroulés plus de cinquante débats et événements culturels très variés. Il a souligné à quel point il était précieux d’avoir invité des pays pratiquant encore la peine de mort et d’avoir encouragé toutes les opinions à participer au dialogue. Il espère pouvoir prochainement assister à un Congrès mondial célébrant l’abolition universelle.
Plusieurs défenseurs du mouvement se sont ensuite exprimés. Aleyya Gouda Baco, qui représentait le ministère de la Justice et de la Législation de la République du Bénin, a décrit les mesures entreprises par son pays entre 1987 et 2018 pour abolir la peine de mort. Elle a affirmé la devoir collectif de l’humanité envers le respect de la vie, tout en rappelant que l’affirmation selon laquelle la peine de mort serait justifiée parce qu’elle dissuade de commettre des crimes est fausse, comme cela a été prouvé. Le crime ne disparaît pas sous la menace de la peine capitale.
Christian Leffler, vice-secrétaire général aux questions économiques et mondiales au sein du Service européen pour l’action extérieure, a félicité le Congrès pour sa diversité culturelle et religieuse, qui confirme le caractère universel de ce mouvement. Il a souligné qu’il est toujours mal avisé de prendre une vie en échange d’une mort, tout d’abord parce que tous les systèmes pénaux peuvent commettre des erreurs et que la condamnation et l’exécution d’innocents sont extraordinairement cruelles. Ensuite, parce que les études ont démontré que la peine de mort est discriminatoire : les populations pauvres, déjà confrontées à des discriminations, sont particulièrement susceptibles d’être condamnées. Enfin, il s’est dit certain qu’il ne s’agit plus de se demander « si l’abolition universelle se concrétisera un jour, mais quand ».

« Certaines personnes favorables à la peine de mort affirment qu’elle correspond à un impératif religieux, qu’elle fait partie de leur culture, que les gens ne comprendraient pas qu’on la supprime. Pourtant, les cultures et les religions ne sont pas immuables. Les doctrines évoluent. Les interprétations changent, tout comme la compréhension du public. En revanche, ce qui ne change pas, c’est la nature cruelle et irréversible de la peine capitale. Il n’existe pas de méthode d’exécution humaine et, en cas d’erreur, aucun retour en arrière n’est possible. »
Christian Leffler
Vice-secrétaire général aux questions économiques et mondiales au sein du Service européen pour l’action extérieure

Henriette Geiger, directrice de Peuple et Paix au sein de la Direction générale de la coopération internationale et du développement de la Commission européenne, a déclaré que, comme l’esclavage et la torture, la peine de mort devait être supprimée de nos sociétés. Il est inacceptable que des milliers de personnes demeurent dans le couloir de la mort aux États-Unis et que la Chine ne rende même pas public le nombre de citoyens qu’elle exécute.
Sebastiano Cardi, directeur général des Affaires politiques et de Sécurité au sein du ministère italien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, a réaffirmé la position de son pays, fortement en faveur de l’abolition universelle.
Sophie Thevenoux, ambassadrice de la principauté de Monaco, a quant à elle déclaré que la peine de mort était incompatible avec les valeurs et les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme et qu’il était toujours aussi crucial de combattre cette « pratique inefficace et barbare ».
Ces interventions ont été suivies d’un intermède musical. Susan Kigula a chanté « You raise me up », morceau qu’elle interprétait avec sa chorale de détenues condamnées à mort en Ouganda. Ballaké Sissoko a ensuite joué deux morceaux à la kora.
Par message vidéo, Michelle Bachelet, haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a rappelé que l’abolition n’était pas une idée appartenant à une seule culture, puisque des pays aux cultures et religions différentes la soutiennent. Elle a également souligné le caractère discriminatoire de la peine de mort, qui frappe de manière disproportionnée les personnes déjà vulnérables ou victimes de discriminations.
Thorbjørn Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe, s’est également adressé à l’assistance par message vidéo. Il a affirmé que la peine capitale ne rendait pas la justice et qu’il était nécessaire de comprendre collectivement pourquoi il était préférable de l’abolir.

« La discrimination sociale est on ne peut plus évidente quand on examine les détenus qui se trouvent dans le couloir de la mort. Mon bureau se rend dans les prisons du monde entier, où mes équipes me rapportent systématiquement que le couloir de la mort est principalement occupé par des populations pauvres et vulnérables d’un point de vue économique, des membres des minorités ethniques, des personnes souffrant de handicaps psycho-sociaux ou intellectuels, des citoyens étrangers, des autochtones et d’autres membres de communautés marginalisées. Lorsque nous disposons de statistiques, elles appuient cette observation. Cette discrimination contraire à la loi est indéfendable. »
Michelle Bachelet
Haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme

Reconnaissant que pour la première fois, ce Congrès nouait un dialogue avec le secteur privé, Carleen Pickard, spécialiste des campagnes éthiques chez Lush Amérique du Nord, a remercié le Congrès de l’avoir invitée, tout en soulignant que les entreprises comme la sienne seraient des alliés solides et fidèles aux côtés du mouvement abolitionniste. La campagne menée par Lush a sensibilisé le public aux États-Unis, au point de faire basculer des membres du personnel et de nombreux clients en faveur de l’abolition. Cette campagne a également levé des fonds et obtenu d’autres formes de soutien pour les initiatives pro-abolition. Elle serait ravie de voir son entreprise et d’autres assister au prochain Congrès.
Le Réseau des parlementaires contre la peine de mort a présenté la déclaration.
La Commission nationale ivoirienne des droits de l’homme a présenté la déclaration reproduite ci-après (pages 114-115), émanant de onze institutions nationales en matière de droits de l’homme.
Me Basile Ader et Me Nicole Van Crombrugghe ont présenté la déclaration reproduite ci-après (pages 116-117), au nom des ordres des avocats.
Dans un message vidéo, Kumi Naidoo, secrétaire général d’Amnesty International, a affirmé que la lutte contre la peine capitale figurait parmi les campagnes les plus réussies en faveur des droits de l’homme, car ce combat est une source d’inspiration pour les autres. Il a invité les militants à ne pas baisser les bras car, malgré des revers, l’objectif de l’abolition universelle est véritablement réalisable.
Joseph Jovin, étudiant tanzanien, a ensuite révélé les lauréats du prix « Dessine-moi l’abolition » (Draw Me Abolition).
Deux témoins se sont exprimés au nom des détenus, en commençant par Ensaf Haidar, dont le mari a été condamné à mort en Arabie saoudite pour avoir tenu un blog. Elle a déclaré être totalement opposée aux violations de la liberté de pensée et d’expression, non seulement en raison de l’injustice subie par son mari, mais également parce qu’il s’agit de droits fondamentaux pour tous les êtres humains. Elle a souligné que chacun de nous, ainsi que la société en général, était confronté à un choix : créer un monde meilleur ou continuer d’accepter que certains soient privés de leur liberté d’expression et voient d’autres droits humains bafoués.

« Nous avons devant nous un choix inévitable. Sommes-nous prêts à nous engager dans l’avenir ? Ou nous résignons-nous à léguer à nos petits-enfants le souvenir amer d’un manque de courage et de volonté de changer le monde pour toujours ? Ce choix, la jeunesse du monde entier y est confrontée. Un monde ravagé par les guerres et les violations des droits de l’homme. Ou un rêve qui devrait devenir un devoir moral et humain pour nous tous : soutenir et consolider la liberté de conscience et les droits de l’homme. »
Ensaf Haidar
Epouse de Raif Badawi, condamné à mort, puis à la réclusion en Arabie saoudite pour avoir prétendument insulté l’Islam

Me Fatimata Mbaye, avocate en Mauritanie, a expliqué l’affaire de son client, Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir, condamné à mort pour blasphème après avoir parlé, dans son blog, de l’esclavage et des discriminations, notamment à l’encontre des forgerons, profession à laquelle il appartient. En 2017, sa condamnation a été réduite en appel à deux ans de prison, peine qu’il avait déjà purgée. Il reste pourtant en prison et se voit refuser tout contact avec sa famille, son avocate ou un médecin.
Kevin Miguel Rivera-Medina, président de la Coalition mondiale contre la peine de mort, et Hsin-Yi Lin, directrice de l’Alliance taïwanaise pour mettre fin à la peine de mort, ont lu la déclaration finale du Congrès mondial, reproduite ci-dessus. (voir pages 29-32).
En conclusion de ce Congrès, Me Florence Leroux et Alain Morvan, qui représentaient ECPM, ont rappelé que les militants étaient au cœur du mouvement abolitionniste. En effet, sans leur énergie et leurs actions, les idées ont moins de poids. Ils ont félicité le Congrès pour avoir intégré de nouveaux points de vue et de nouvelles directions, sur la question du genre, par exemple. Ils ont également salué la participation du secteur privé. Raphaël Chenuil-Hazan, directeur général d’ECPM, a conclu la cérémonie en appelant tous les abolitionnistes à s’unir pour le changement et à intégrer la famille de plus en plus nombreuse d’individus et d’entités faisant campagne contre la peine de mort.
Les participants se sont ensuite réunis pour la marche mondiale pour l’abolition de la peine de mort.