Cérémonie d’ouverture
« Nous estimons… que chaque vie humaine compte, peu importe la manière dont elle est vécue, peu importe le nombre d’erreurs que chacun commet. Nous estimons que les États ne devraient, pas mettre fin à la vie d’un être humain. Nous estimons que face à un crime, la réponse ne doit en aucun cas être un autre crime… Nous croyons en la justice, pas en la vengeance. »
Federica Mogherini
Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
Ouvrant le Congrès au nom du président du Parlement européen Antonio Tajani, le vice-président du Parlement Pavel Telička a accueilli dans le Parlement européen les ministres, les membres du corps diplomatique et les délégations de l’Union européenne. Il a félicité tous les membres de l’assistance pour leurs efforts sans relâche en vue d’abolir la peine capitale, tout en soulignant l’engagement de l’Union européenne en faveur de l’abolition. Il s’est ensuite réjoui de la présence de certains gouvernements n’ayant pas encore aboli la peine de mort et de leur participation aux discussions.
M. Telička a parlé des valeurs universelles qui réunissent les acteurs de la lutte pour l’abolition. S’il est vrai que le protocole 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) a été le premier instrument juridique contraignant à abolir la peine de mort en temps de paix, le mouvement pour l’abolition est bel et bien mondial et non inspiré par l’Europe, comme le prétendent certains. Évoquant le jour où plus aucun pays du continent européen ne pratiquera la peine de mort, y compris le Belarus, M. Telička a réaffirmé l’engagement absolu du Parlement européen en faveur de l’abolition « dans tous les cas et en toutes circonstances », ainsi que la mise en œuvre totale des directives européennes sur la peine de mort . Enfin, M. Telička a souhaité aux participants un fructueux congrès.
Accueillant les membres du Congrès au nom de l’Union européenne, la Haute représen-tante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, s’est dite fière que l’Europe soit la plus vaste zone géographique sans peine capitale. Elle a affirmé qu’aucun État ne devrait condamner à mort ses citoyens, quelle que soit la gravité du crime commis : face à un crime, la réponse ne doit en aucun cas être un autre crime, car « nous croyons en la justice, pas en la vengeance ». Contrairement à ce qu’affirment certains, la peine capitale n’est pas enracinée dans la culture des pays ; les lois et la culture elles-mêmes peuvent changer. Mme Mogherini a souligné les progrès réalisés, rappelant que 31 pays ont aboli la peine de mort depuis le tout premier Congrès mondial en 2001.
Didier Reynders, Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Royaume de Belgique, a entamé son discours par une citation d’Albert Camus : « Il n’y aura de paix durable, ni dans le cœur des individus, ni dans les mœurs de la société, tant que la mort ne sera pas mise hors la loi. » Confirmant l’engagement de la Belgique envers l’abolition à l’heure où le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) souffle ses trente bougies, M. Reynders a rappelé la nature discriminatoire de la peine capitale, qui frappe de manière disproportionnée les populations pauvres et les minorités, tout en soulignant son effet sur les proches et les enfants des condamnés à mort.
« La peine de mort est souvent appliquée d’une manière discriminatoire. En effet, les populations les plus pauvres et les plus fragiles sur le plan économique sont touchées de manière disproportionnée. D’autres groupes, dont les étrangers, les minorités ethniques et sexuelles et les femmes, sont aussi frappés plus durement. Bien entendu, il est crucial de garder à l’esprit le point de vue des victimes, au sens large. En effet, les données dont nous disposons actuellement suggèrent que la peine de mort crée elle aussi des victimes et peut avoir un impact sur des communautés entières, impact qui s’étale sur plusieurs générations. »
Didier Reynders
Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de Belgique
L’ambassadeur Christian Meuwly, à la tête de la Mission suisse auprès de l’UE, a rappelé au Congrès, au nom de Pascale Baeriswyl, secrétaire d’État au département fédéral des affaires étrangères de la Confédération Suisse, qu’il est vital de sensibiliser le public, notamment la jeunesse. Il a expliqué les trois principaux objectifs du Plan d’action suisse 2017-2019 en vue d’obtenir l’abolition universelle de la peine de mort, avant de féliciter la Malaisie pour sa décision d’abolir la peine capitale ; le Pakistan pour avoir acquitté et libéré Aasiya Noreen (Asia Bibi), condamnée à mort pour blasphème ; et l’Iran pour sa réduction des peines dans les crimes liés à la drogue. Estimant, comme l’ancien secrétaire général des Nations unies Ban Ki Moon, que « la peine de mort n’a pas sa place au XXIe siècle », il a appelé les 38 pays appliquant encore ce châtiment à modifier leurs lois et à rejoindre les États qui l’ont déjà abolie.
« La peine de mort bafoue les droits humains les plus fondamentaux par la durée qui s’écoule avant l’exécution et par les années passées à l’isolement, ces deux situations étant des formes de torture psycholo-gique infligée aux condamnés et à leurs proches. »
Pascale Baeriswyl
Secrétaire d’Etat au département fédéral des Affaires étrangères, Confédération Suisse
Audun Halvorsen, secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères norvégien, a évoqué le dernier Congrès mondial, à Oslo, il y a trois ans. Il a convenu qu’il est important d’impliquer la jeunesse, prochaine génération d’abolitionnistes, tout en soulignant l’intérêt de réadapter et de réinsérer dans la société ceux qui commettent des crimes, réinsertion qui est impossible avec la peine de mort. Remarquant que les minorités sexuelles restent passibles de la peine de mort dans certains pays, il a regretté qu’en 2019, on puisse encore être exécuté en raison des personnes que l’on aime.
« Les systèmes judiciaires doivent certes veiller à ce que les coupables soient tenus responsables de leurs crimes, mais le principe sous-jacent doit être celui de la réadaptation et de la réinsertion dans la société. Or, c’est impossible avec la peine de mort, qui est absolue, irréversible et irréparable. »
Audun Halvorsen
Secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères de Norvège
Dans son message de bienvenue aux participants du 7e Congrès mondial, le directeur général d’ECPM a salué leur engagement et leur passion. Raphaël Chenuil-Hazan s’est ainsi dit certain que, d’ici quelques années, le secrétaire général de l’ONU « annoncera un monde sans peine capitale ».
Évoquant les raisons pour lesquelles certains ne sont toujours pas convaincus par les arguments contre la peine de mort, il a invité ces personnes à avoir des échanges ouverts avec les abolitionnistes.
M. Chenuil-Hazan a déclaré que les partisans de la peine capitale prétendent qu’elle est validée par l’opinion publique, ou sanctionnée par la culture, ou qu’elle relève de la souveraineté de l’État. À la première de ces affirmations, il a répondu qu’en réalité, « l’opinion publique s’aligne, dans chaque pays, sur chaque continent ». Les arguments en faveur de l’abolition sont fondés sur des principes et, à long terme, les positions honorables et honnêtes sont persuasives. Il a également contesté l’idée selon laquelle la culture est immuable : L’Europe, aujourd’hui leader de l’abolition, était historiquement un fervent défenseur de l’exécution ; la Chine a (provisoirement) aboli la peine capitale sous la dynastie Tang, dans un contexte où les exécutions avaient cours. L’Amérique latine a été le premier continent à éliminer en grande partie cette pratique. En Afrique, la peine de mort a été principalement adoptée sous l’effet de la colonisation européenne.
Après avoir salué les progrès réalisés par le mouvement abolitionniste, M. Chenuil-Hazan a souligné que les militants ne doivent pas se contenter de simplement suspendre la peine capitale, puisqu’en cas de moratoire, il persiste un risque de retour des exécutions. Il a conclu en déclarant : « Pour certains d’entre vous, la vie ne vaut rien ; mais pour nous, rien, absolument rien ne vaut plus que la vie. »
Aminata Niakate, membre du conseil d’administration d’ECPM, a rappelé au Congrès que neuf jeunes hommes avaient été exécutés en Égypte la semaine précédente, après avoir subi des tortures. Se tournant vers l’avenir, elle a espéré qu’un jour, les Congrès pour l’abolition de la peine de mort ne seraient plus nécessaires. « Tout comme le colibri, qui selon l’histoire, apportait de l’eau goutte par goutte pour éteindre un feu », elle a expliqué que chaque défenseur compte. « Nous ne pouvons pas abandonner ces hommes dans le couloir de la mort, tandis qu’ils prennent leur dernier repas ou leur dernière cigarette, les yeux rivés sur l’horloge. »
Par message vidéo, Sa Sainteté le pape François a déclaré aux congressistes que la vie et la dignité de chacun doivent être protégées, sans exception. Par ailleurs, chacun devrait se voir offrir une chance de changer, de se repentir et d’être pardonné. À une époque où les systèmes de détention s’améliorent sans cesse, nous devons nous battre pour que plus aucune vie ne soit perdue mais, au contraire, soit « gagnée pour le bien commun de la société ».
« Pour les croyants, les êtres humains ont été créés à l’image de Dieu. Que vous ayez la foi ou non, chaque vie est précieuse et la dignité de la vie doit être protégée sans exception. À cet égard, la peine de mort est une violation très grave du droit à la vie de chacun. »
Sa Sainteté le pape François
C’est ensuite le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui a pris la parole, lui aussi par message vidéo. Il s’est félicité des progrès marqués par la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies pour un moratoire sur la peine de mort, adoptée pour la première fois en 2008 et approuvée par une majorité record en 2018 (A/RES/71/187). M. Guterres a rappelé qu’il reste du travail. Il a donc encouragé le Congrès et tous ceux qui militent pour l’abolition à ne pas relâcher leurs efforts.
L’auteure et avocate Vanessa Place a ensuite lu un poème satirique de sa composition, condamnant l’insensibilité et la cupidité du système judiciaire face à la souffrance des condamnés à mort.
Puis trois discours ont été successivement prononcés par Navanethem Pillay, présidente de la Commission internationale contre la peine de mort (CIPM) ; par Georges Nakseu Nguefang, Directeur des affaires politiques et de la gouvernance démocratique de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), au nom de Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’OIF, ainsi que par Aramis Ayala, procureure générale de la 9e Cour de justice de Floride, États-Unis.
Mme Pillay a expliqué avoir examiné avec ses collègues de l’ICDP les différentes stratégies fructueuses ayant mené à une abolition. En Mongolie et en France, par exemple, l’abolition a été adoptée grâce à des meneurs. En Afrique du Sud et au Guatemala, ce sont les tribunaux qui ont ouvert la voie. Au Rwanda, en Haïti, au Cambodge et au Timor oriental, l’élan abolitionniste est né de la guerre civile et du génocide. Alors que la plupart des pays d’Europe et d’Amérique latine, et maintenant la plupart des pays africains, n’appliquent plus la peine de mort, Mme Pillay a souligné les risques de récidive et le fait que son utilisation reste très répandue dans de vastes régions d’Asie ainsi qu’aux États-Unis. Elle a rappelé qu’une clause de souveraineté avait été incluse dans le moratoire récemment adopté par l’ONU, afin d’exclure les droits de l’homme de l’argument légal en faveur de l’abolition, pour se concentrer sur l’aspect juridique pur. Elle a également rappelé que la réussite du mouvement abolitionniste dépendra des nouvelles stratégies, du storytelling et des efforts concertés des États, de la société civile, des organisations internationales… et de la société dans son ensemble.
« Les rassemblements comme le Congrès mondial […] sont importants pour le mouvement abolitionniste, car ils offrent aux différents acteurs un lieu pour se rencontrer, tout en permettant d’identifier des tendances, d’aborder de nouvelles stratégies, d’impliquer de nouveaux acteurs… » « L’abolition de la peine de mort n’est possible que si les États, les organisations de la société civile, les organes gouvernementaux internationaux et nous tous combinons nos efforts. »
Navanethem Pillay
Ancienne haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, présidente de l’ICDP
Le discours prononcé au nom de Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), a insisté sur le rôle de la société civile. Ce discours a affirmé l’engagement de l’OIF envers l’abolition universelle, tout en saluant le fait que les trois quarts des pays d’Afrique ont adopté ou sont en train d’adopter des mesures pour abolir la peine de mort.
Mme Aramis Ayala a témoigné de son expérience en tant que procureur en Floride, où la peine de mort est toujours légale. Elle a demandé au Congrès de se pencher sur la question de la justice. Soulignant que la justice doit être objective et équitable, jamais dictée par l’émotion, elle a déclaré qu’en tant qu’avocate, elle était tenue de respecter la loi. Néanmoins, et même si elle doit l’inclure dans les possibilités, elle ne demandera jamais la peine de mort, car celle-ci est selon elle inacceptable sur le plan moral, discriminatoire sur le plan éthique, qu’elle s’accompagne d’un coût impossible à justifier pour l’État et le contribuable, en plus d’infliger une souffrance intolérable aux condamnés, à leurs proches ainsi qu’au personnel pénitentiaire.
« Pourtant astronomiques, les coûts associés à la peine de mort ne sont pas assumés par ceux qui souhaitent perpétuer cette politique infructueuse. […] N’ignorons jamais le stress post-traumatique qu’engendre la responsabilité de tuer un être humain et à quel point il est difficile de digérer sa propre participation physique à la mort d’autrui. »
Aramis Ayala
Procureure générale, Floride, États-Unis
La chanteuse, auteure et compositrice Typh Barrow a interprété deux de ses chansons explorant la thématique de la solitude des condamnés et de la souffrance infligée à leurs familles.
Puis la parole a été donnée à des représentants des gouvernements du Sri Lanka, de la République du Congo, de Guinée, du Burkina Faso, de Gambie et du Maroc. Chacun de ces pays a pris ou est sur le point de prendre des mesures pour abolir la peine de mort ou proclamer un moratoire sur les exécutions.
Thalatha Atukorale, ministre de la Justice et de la Réforme des prisons au Sri Lanka, a commencé par démentir les articles parus dans la presse selon lesquels le Sri Lanka pourrait reprendre les exécutions après un moratoire de quarante ans. Elle a au contraire affirmé que ce moratoire restait en place, tout en demandant à la communauté internationale d’aider les autorités à lutter contre le crime organisé et les barons de la drogue sans avoir recours à la peine la plus lourde.
Jean-Claude Gakosso, ministre des Affaires étrangères de la République du Congo, a annoncé que le gouvernement congolais a supprimé la peine de mort de la Constitution nouvelle et progressiste adoptée en 2015. Il existait déjà un moratoire et aucune exécution n’avait eu lieu depuis trente-trois ans. Le public est désormais convaincu de l’inefficacité de cette peine. Il a réaffirmé l’engagement de son pays envers l’abolition, sur le plan international et régional. D’ailleurs, le Congo est favorable à l’ajout d’un protocole sur la peine de mort dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Cheick Sako, ministre de la Justice de la République de Guinée, a expliqué que la peine de mort n’est pas officiellement abolie dans son pays. Néanmoins, elle ne figure plus dans le Code pénal et les autres textes juridiques, ce qui la rend inapplicable. La peine des détenus condamnés à mort a été commuée en rétention à perpétuité. M. Sako a expliqué que, bien que le gouvernement soit prêt à ratifier le Deuxième Protocole facultatif et bien que, dans la pratique, un moratoire soit en place depuis 2002, l’opinion publique reste favorable à la peine de mort pour des raisons de sécurité. Il a demandé au Congrès de comprendre que chaque pays présente un contexte différent et doit pouvoir gérer ses lois en conséquence.
« Pourquoi avoir procédé ainsi ? Il faut prendre en considération les circonstances propres à chaque pays dans le respect du principe de l’abolition. En d’autres termes, l’abolition est irréversible, mais en tant que politiciens responsables, nous devons bien être conscients qu’il est indispensable d’impliquer le peuple et les décideurs, même si le chemin pour atteindre cet objectif est tortueux. »
Cheick Sako
Ministre de la Justice, République de Guinée
Bessolé René Bagoro, ministre de la Justice et de la Promotion des droits de l’homme et des droits des citoyens au Burkina Faso, a rappelé que son pays avait aboli la peine de mort en janvier 2018. Reconnaissant que cette décision avait été délicate en raison de l’opinion publique, il a remercié la société civile pour son aide, avant d’encourager vivement les pays qui continuent d’appliquer la peine de mort à l’abolir, en précisant que le Burkina Faso les soutiendrait dans leurs efforts.
Abubacarr M. Tambadou, procureur général et ministre de la Justice en Gambie, a expliqué que son pays avait aboli la peine de mort en 1993, avant de la rétablir en 1995 à la suite d’un coup d’État. Alors que la Constitution gambienne prévoyait de réexaminer la question après dix ans, cela n’a finalement été le cas qu’en 2018, après la défaite du président Yahya Jammeh aux élections et la mise en place du gouvernement actuel. Un moratoire est en place depuis 2018. Parce que la peine de mort est inscrite dans la Constitution, il faudrait modifier cette dernière pour l’abolir, ce qui est difficile à mettre en œuvre. M. Tambadou a néanmoins assuré à l’assistance que le gouvernement est en faveur de l’abolition.
« Victor Hugo avait prédit [l’abolition de la peine de mort] dans Actes et paroles, recueil daté de 1875… À propos du XVIIIe siècle, il affirmait que « c’était [là] une partie de sa gloire [d’avoir] aboli la torture ». Le XIXe siècle, il l’affirmait, « abolira certainement la peine de mort. » Finalement, le XIXe siècle a aboli l’esclavage, puis le XXe siècle a été celui de l’égalité hommes-femmes. Il est donc temps que le XXIe siècle soit celui de l’abolition universelle de la peine de mort ! »
Raphaël Chenuil-Hazan
Directeur général d’ECPM
Enfin, Mohamed Aujjar, ministre de la Justice du Maroc, a rappelé son engagement en faveur de l’abolition et fait observer que le droit à la vie était inscrit dans la Constitution marocaine. Aucune exécution n’a d’ailleurs été pratiquée au Maroc depuis 1993. Le nouveau Code pénal restreindra également le nombre de crimes passibles de la peine de mort. Bien que favorable à l’abolition à titre personnel, le ministre a reconnu qu’un travail supplémentaire était nécessaire sur le terrain pour ouvrir la voie à la réforme. Il a d’ailleurs félicité les organisations de la société civile pour leur résilience face au poids des idées conservatrices à l’échelle régionale et internationale.
C’est ensuite Ndume Olatushani qui a pris la parole. Cet ancien détenu a passé vingt-huit ans en prison, dont vingt années dans le couloir de la mort, dans le Tennessee. M. Olatushani a délivré un récit émouvant de sa vie en prison, décrivant le parcours qui l’avait amené à la peinture. Il a affirmé que les cours de peinture lui avaient sauvé la vie, lui donnant un espoir, une raison de se lever le matin, particulièrement après le décès de sa mère dans un accident de la route. Son art a alors attiré l’attention de nombreuses personnes, qui l’ont encouragé à faire réexaminer son dossier. Il travaille désormais avec des enfants, à qui il enseigne la peinture tout en les aidant à se protéger des problèmes qu’il a lui-même connus. Il a remercié l’assistance pour ses efforts en vue de mettre fin à la peine de mort, tout en soulignant qu’il est indispensable de continuer le combat.
La cérémonie d’ouverture a été conclue par Nouzha Skalli, membre du comité scientifique du 7e Congrès mondial et ancienne ministre de la Solidarité, de la Famille et du Développement social au Maroc, et par Robert Badinter, président d’honneur d’ECPM et ancien ministre de la Justice en France.
Mme Skalli a encouragé l’Afrique à devenir le prochain continent abolitionniste. Elle a expliqué que la voie de l’abolition est la voie du progrès. Tout en soulignant que les tendances globales sont positives, elle a tiré la sonnette d’alarme quant aux avancées trop lentes du Maroc en matière d’abolition, ce pays étant freiné par son système patriarcal et l’oppression et la violence à l’encontre des femmes, sans oublier un problème légal de taille et persistant : la condamnation à mort pour des raisons religieuses.
M. Badinter s’est exprimé par message vidéo. Regrettant de ne pouvoir être présent en personne, il a invité l’assistance à ne pas se laisser emporter par l’euphorie. En effet, la peine de mort reste en vigueur dans de nombreux pays parmi les grandes puissances, notamment la Chine, les États-Unis, la Russie et l’Inde, mais aussi l’Arabie saoudite et l’Iran. Il est indispensable de travailler avec les militants de ces pays et de protéger les condamnés contre toutes les exécutions, sans exception.
« La tâche n’est pas terminée et elle est difficile,
mais le mouvement abolitionniste dépend de vous. »
Mr Robert Badinter